Saturday, May 8, 2010

Uniformes et slips kangourous

Il existe dans la langue anglaise un mot pour désigner les travailleurs qui ont un long trajet pour se rendre au travail: les commuters. Dans le métro, on les reconnait grâce à leurs uniformes.

Alison doit avoir 15 ou 16 ans. A en juger par sa tenue, elle est inscrite dans un lycée privée, là où les jeunes garçons portent des cravates à rayures, et les jeunes filles des jupes plissées à carreaux. Tous arborent les armes de l'école sur la poitrine; on les dirait échappés du dernier Harry Potter. Son lycée est en banlieue. Pas la banlieue sombre et grise de projects, mais la banlieue chique qui rappelle un peu Wisteria Lane, avec ses allées calmes bordées de platanes et ses voitures de sports garées dans les allées, qui appartiennent à des chefs d'entreprise ou des financiers, comme Michael.

Michael habite à la Maison Blanche. Enfin pas vraiment, mais ça y ressemble. D'ailleurs il a décidé de faire agrandir sa maison. Il a une Mercedes SL dans son garage, mais il préfère prendre le métro. Comme ça il a le temps de lire la rubrique Finance du Globe & Mail en buvant son café, le premier d'une longue série, sorte d'intraveineuse de caféine qui lui permettra de rester alerte toute la journée. Sa chemise bleue à col blanc annonce aux autres voyageurs qu'il est important et qu'il manipule de l'argent toute la journée. Beaucoup d'argent. D'ailleurs c'est lui qui s'occupe du fond de pension qui assurera la retraite de Ted.

Ted est charpentier, et se rend sur un chantier. Un riche financier a décidé de faire agrandir sa maison qui ressemble beaucoup à la Maison Blanche. Et un deuxième garage pour sa future Aston Martin, qui coutera à Michael l'équivalent d'un an du salaire de Ted. Comme tous les travailleurs du bâtiment, Ted porte un jean, une chemise à carreaux, un sweat a capuche sous un blouson en jean, une ceinture à outils. Il a déjà son casque sur sa tête, parce que c'est plus pratique. Ou peut-être qu'il a peur que le métro déraille.

En face de lui, Alison pianote sur son portable. D'ailleurs tout le monde pianote dans le métro. Pourtant à Toronto, il n'y a pas de réseau dans le métro. On pianote sur un iPhone parce que c'est branché, ou sur un Blackberry parce qu'on est patriote, ou tout simplement sur la vitre parce que la musique est bonne. Tous les gens qui pianotent écoutent de la musique. Ils ne se voient pas, ne s'entendent pas.

Ces petits soldats de la vie civile, dans leurs uniformes de financiers, de lycéens ou de charpentiers, commutent matin et soir, sans se voir, sans même s'apercevoir qu'aujourd'hui, 350 personnes ont décidé de laisser leur uniforme au placard..


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