Le NouvelObs, France Soir, La Tribune et même la Croix rapportent l'évènement: on parle déjà de dizaines de milliers de suicides en quelques jours. Une véritable hécatombe! Un groupe créé sur Facebook est à l'origine de ce massacre, mais les pouvoir publics ne font rien. Et ils ont bien raison. En ces temps de rigueur (oui je l'ai dit!), nos gouvernants ont sûrement d'autres chats à fouetter, et ces chats-là ne jouent pas dans une boite de mouchoir sur une musique de Debussy (10 millions de vues sur YouTube, soit 28 ans (!) passés à regarder des chatons).
Car ces 36.000 suicides n'ont pas fait couler une seule goutte de sang. A l'initiative de 2 Canadiens, Quit Facebook Day dénonce la politique de confidentialité du site de Mark Zuckerberg. Mais les motivations des "facebookés" sont nombreuses: étalage abusif de la vie privée, manque cruel de contenu intéressant, voire même addiction pure et simple. Intrigué par ce mouvement, j'ai donc pris la décision de mettre Facebook entre parenthèses le temps d'une semaine.
Pour être tout à fait honnête, les questions d'intrusion et d'utilisation de nos données privées par la société Facebook ne m'inquiètent pas et ne m'intéressent pas. Facebook, de par sa nature intrinsèque est un renoncement à la vie privée. Si tu es prêt à annoncer à tes 537 "amis" que tu aimes manger des yaourts au petit-déjeuner et que tu n'es pas allé aux toilettes depuis hier, n'accuse pas Facebook d'être venu fouiner dans ta vie ô combien passionnante pour mieux te vendre des yaourts Activia. De plus, mon navigateur internet me permet de masquer les publicités, donc je ne suis pas assommé par Meetic qui me reproche d'être célibataire depuis trop longtemps.
J'ai surtout décidé de faire un break de mes errances facebookiennes, dont le seul but est de me morfondre sur la vie idéale que mènent mes ex, ou de me réjouir sur le ratage de mes camarades de maternelle ("Vous avez demandé les urgences psychiatriques, ne quittez pas"). Avouez que vous faites tous la même chose. Vais-je réussir à me défaire de 5 ans de conditionnement en une semaine, à combler ce temps nouvellement libéré par des activités intéressantes? Verdict:
Dimanche 30 Mai 2010, 23h00
C'est décidé, je n'irai pas sur Facebook pendant une semaine! D'autres l'ont fait avant moi, voilà qui devrait être des plus faciles. Un dernier coup d'oeil aux statuts de mes 236 amis me conforte dans mon choix: "Machin ne veut pas retourner travailler", "Truc à rejoint le groupe La Mort, c'est Mal", "Bidule aime Si toi aussi tu dors sans couette tu ne te sens pas en sécurité". Bref un désert intellectuel, un océan de platitudes. Log off!
Lundi 31 Mai 2010
06h30
L'alarme de mon réveil m'arraches des bras de Morphée ("Morphée c'est une salope, c'est vrai elle finit au lit avec tous les mecs", 42 personnes aiment). Je me traine au salon, allume mon ordinateur, démarre Chrome, lance Facebook. 10 secondes plus tard je me souviens de mon pacte de la veille et prends conscience du conditionnement dont je fais preuve. Cette semaine risque d'être plus longue que prévue.
09h00
Arrivé au boulot, je consulte mes mails, les alertes Facebook pleuvent. Je décide de ne pas lire leur contenu, mais les objets m'annoncent que plusieurs de mes amis ont écrit sur mon "mur". Vrai soutien amical ou crime crapuleux?
18h00
Premier écueil. Je viens de finir la rédaction d'un nouvel article pour le blog. Si je n'en fais pas la pub sur Facebook, qui va le lire? Est-ce que les gens ont pris l'habitude de s'y rendre par eux-même, ou au fond est-ce que tout le monde s'en fout?
23h00
Cela fait déjà 24h, et j'ai le sentiment que la Terre a tourné sans moi aujourd'hui. Ai-je loupé quelque chose? Est-ce que j'ai lu des articles aujourd'hui que j'aurais dû partager avec le monde? Ou au fond est-ce que tout le monde s'en fout?
Mardi 01 Juin 2010
10h45
Mon lecteur de podcasts accueille de nouveaux arrivants. Je reçois désormais un lot quotidien de nouvelles, de débats, d'informations sur la médecine, le cinéma, les sciences, la géopolitique. Google Reader est mon nouveau meilleur ami!
18h00
Je cuisine! De la vraie vache, avec des vrais légumes! Est-ce que mon cerveau a faim maintenant qu'il débat de la légitimité du blocus de Gaza au lieu de s'abrutir devant des chatons joueurs et autres groupes contre la mort (parce que sur Facebook, la mort c'est mal)?
Mercredi 02 Juin 2010
07h00
Encore plus d'alertes me préviennent de l'activité anormale de mon "mur". Je commence vraiment à m'inquiéter. Le pire c'est que maintenant que j'ai décidé de ne plus aller sur Facebook j'y pense sans cesse.
15h45
Je prends conscience que je gagne une heure par jour à ne pas aller sur Facebook. En une heure je peux écouter "On refait le monde" sur RTL, "Le débat du jour" sur RFI, "la Revue de Presque de Nicolas Canteloup" sur Europe 1 et "l'Humeur de Stéphane Guillon" sur France Inter. En une heure sur Facebook, je peux regarder les photos de vacances de mon ex, une parodie avec des chatons (c'est fou ce qu'il y a comme chatons sur Internet!), corriger les fautes d'orthographe qui parsèment les statuts de mes amis (et il y a du boulot, heureusement que patience est mère de famille!), répondre aux invitations à acheter un cochon pour la ferme d'Untel, ou rallier le gang des Pepperoni dans Mafia Wars (2 jeux auxquels je me suis toujours interdit de jouer, même sous la torture).
Jeudi 03 Juin 2010
J'ai pris ma journée pour tenir compagnie à Tristan qui est malade. Call of Duty et 24 me font complètement oublier Facebook. D'ailleurs faire face à l'armée Ukrainienne en écoutant "Questions d'Ethique" sur France Culture a quelque chose d'irréel et d'assez satisfaisant.
Vendredi 04 Juin 2010
22h00
Je retrouve une copine dans une soirée, qui dit qu'elle m'ajoutera le lendemain sur Facebook. Une idée me frappe. Je devrais me faire imprimer des cartes de visites avec mon numéro de portable et mon email. C'est tellement plus élégant.
Samedi 05 Juin 2010
14h00
Je commence à me languir de découvrir l'étendue des dégâts sur mon mur. Mais c'est tout. Les photos de vacances des personnes que je n'ai pas vu depuis 7 ans, le contenu de l'estomac de mon ex après son brunch, l'attrait soudain de mon collègue de travail pour le rétablissement de la peine de mort pour les voleurs de nains jardins, tout ça me passe bien au-dessus.
Dimanche 06 Juin 2010
11h00
Premier constat: mon mur est sale! Je me suis bien fait pourrir, entre des allusions à mon herpès présumé, ma poupée gonflable, mon odeur corporelle et mes activités sexuelles rémunératrices. Comme dirait Thibaut, "alala l'adolescence".
11h30
Deuxième constat: Je n'ai rien loupé pendant cette semaine. Les gens aiment toujours les yaourts, personne n'aime retourner au boulot le lundi, et les chatons sont toujours aussi mignons.
Il existe un monde en dehors de Facebook. Un monde où malgré la marée noire, le soleil brille bien fort, un monde où en dépit du conflit Israëlo-Palestinien, la médecine ne cesse de progresser, un monde où les terrasses des cafés sont pleines de gens qui n'aiment pas aller au travail le lundi, mais qui apprécient le dimanche parce qu'ils peuvent prendre le brunch avec leurs vrais amis.
Je ne vais pas clôturer mon compte Facebook. La plupart des gens que je connais l'utilisent comme messagerie principale. Et c'est encore le moyen le plus simple pour annoncer les nouveaux articles sur le blog, ou se tenir au courant des soirées à venir.
Et puis, si je quitte Facebook, qui va m'envoyer des vidéos de chatons joueurs?
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