Wednesday, May 19, 2010

Vers l'Infini et au-delà, Part 1/2

PREMIERE PARTIE : ATLANTIS

H-30:
Un voyage de 380.000 km vers la Lune commence par le premier pas de l'astronaute qui sort de chez lui. Ce premier pas que je fais ce matin ne m'amènera pas aussi loin, mais presque: je m'envole aujourd'hui vers la Space Coast en Floride, pour assister au dernier lancement de la navette Atlantis. La NASA a décidé de mettre un terme au programme STS à la fin de l'année, ce qui ne laisse plus que trois (officiellement) opportunités d'assister au décollage d'une navette spatiale avant la mise au garage définitive de cet emblème de la conquête spatiale. C'est donc pour moi aujourd'hui ou jamais.
Il fait 12°C ce matin à Toronto, mais déjà 23°C à Orlando au lever du soleil. Le ciel de la Floride est dégagé, grâce à une pression élevée qui maintient toute perturbation au nord de l'Etat, et ce pour au moins 3 jours, ce qui laisse une petite marge de manoeuvre en cas d'incident technique indépendant de notre volonté.

H-28:
Eduardo a 40 ans. Il est philippin, et travail à l'aéroport de Toronto depuis près de 10 ans. Il adore voyager, mais n'a encore jamais visité l'Italie, qu'il rêve de parcourir pour découvrir la Chapelle Sixtine, et le Vatican ("Are you a Catholic, Matt?" "No" "Well I'm sure you understand.") Il aimerait aussi parler le francais. Le comptoir d'embarquement est désert, alors nous discutons une dizaine de minutes.
Striptease de rigueur à la douane. J'hésite à me lancer dans un full monty pour dérider l'agente de sécurité, mais la taille du Tazer qui pend à sa ceinture, et la boite de gants chirurgicaux posée sur une table sous un panneau "Salle de vérification secondaire" m'en dissuadent vite. Je teste pour la première fois le scanner corporel intégral; à part mon intimité légèrement violée, je ne marche pas à reculons, et je ne saigne pas des yeux.

10 mètres plus loin, j'explique à l'agent des douanes que non, je ne porte pas d'arme à feu, que je ne suis pas un terroriste, ni un ancien nazi, que je n'ai pas manipulé de matières fissiles, ni caressé une vache récemment (Pour ceux d'entre vous qui ne sont jamais allé aux USA depuis 10 ans, ces questions sont authentiques). Après avoir déballé mon CV, expliqué où je me voyais dans 10 ans (pas aux USA), et donné mes empreintes digitales, l'agent insère mon passeport dans un lecteur, fronce les sourcils et décroche son téléphone. Je fais une parenthèse : il y a 4 ans je me suis fait voler mon passeport aux USA. Il y a donc sûrement un mexicain clandestin, un meurtrier en cavale ou un agent du Mossad en mission qui utilise mon identité depuis 4 ans. Je me vois déjà dans les geôles américaines, accusé du meurtre du président Kennedy. "Hey, Boss" (au mon dieu, cette fois c'est la bonne, j'hésite à prendre mes jambes à mon cou) "I'm a complete idiot, I forgot to take my brake, can I go now?" Petit ascenceur émotionnel, mon rythme cardiaque redescend de 500 à 80 BPM. "Have a good weekend, sir" "Enjoy your brake, officer!"

H-27:
A la porte d'embarquement, je retrouve mon vieux copain Eduardo. Ni une ni deux j'en profite pour demander à être surclassé. Pas de chance, le vol est complet, mais dans un élan de compassion, il s'arrange pour réduire mon temps de correspondance de 4h à 12 minutes. Ca laisse peu de temps en cas de retard, mais ça vaut le coup (et en plus c'est gratuit, comme quoi les français ne sont pas détestés partout. En tout cas pas moi.) "Eddy, my man, you're a hero!" Touché par sa générosité, je lui laisse mon numéro, au cas il veut une initiation au français (sa combine aurait du me couter $50, c'est donc la moindre des choses.)

H-26:
PNC aux portes, vérouillez les vis-à-vis. US3217 direction Charlotte, Caroline du Nord.

H-24:
Je suis aux USA et ça se voit! 1 personne sur 8 est en surpoids flagrant, les hommes portent tous une casquette, les jeunes portent des shorts à carreaux, les femmes ont des choucroutes sur la tête, et chaque personne officielle que je croise me demande comment ça va. Et je vais super bien, grâce à mon pote Eddy je suis en avance de 4h sur mon emploi du temps, et la porte d'embarquement de mon vol suivant est juste à côté.
PNC aux portes, prochaine étape, Orlando, Floride!

H-23:
En Floride il fait chaud. Très chaud. Et très humide. Mais on se caille. Il y a la clim partout. Je sors de l'avion, il fait chaud. Je rentre dans le terminal, il fait froid. Je sors prendre le bus, re-chaud. Je monte dans le bus, re-froid. Si je ne meurs pas d'une angine carabinée demain, je joue au loto!
L'hôtel est confortable, la piscine à la bonne température, et à part le cafard de 10cm croisé au détour d'un couloir, rien à redire. Je retourne manger à la pizzeria dans laquelle j'avais mangé il a 4 ans. Souvenirs, souvenirs.
Avant de me coucher, je regarde le Colbert Report, émission politique satirique, sorte de Guignols américains, mais avec des vraies personnes, et animé par l'homme le plus cool de la terre (oui, madame, quand on arrive à convaincre la NASA de baptiser le tapis de course qui servira aux astronautes dans la Station Spatiale Internationale COLBERT, pour Combined Operational Load Bearing External Resistance Treadmill, on est cool). Une bonne partie de l'émission porte sur Glenn Beck, un animateur de télé et de radio conservateur, qui à la fâcheuse tendance à se mettre à pleurer chaque fois qu'il parle de l'Amérique.

H-6'20:
Houston, we have a problem. Il est 8h pétante, je suis dans l'agence de location, et ma carte de crédit ne passe pas. Après de longues délibérations, 2 aller-retour à la station service pour retirer de l'argent, éditer des transferts, je suis enfin au volant de ma Chevy Cobalt blanche (une chance, vu la température qui grimpe à vue d'oeil).

H-5:
Je suis super à la bourre. Les infos parlent de centaines de personnes qui ont passé la nuit sur place pour réservé une place aux premières loges. La route semble dégagée, tout espoir n'est pas perdu. Je décide alors de trouver une station de radio pour m'accompagner, et là je tombe sur Fox Radio, et le Glenn Beck Show! Tout ce que l'Amérique peut engendrer de stupide sur cette planète sort de la bouche de cet homme, qui crache indifféremment sur Obama, la réforme du système de santé, les musulmans, les immigrés, les hippies, j'en passe et des pas mûres... Un grand moment de radio et d'anthropologie républicaine.

H-3:
Le trajet entre Orlando et Titusville, point d'observation privilégié, car situé en face du pas de tir, fait 66km Je suis sur la route depuis déjà 2 heures, et le trafic ralentit de plus en plus. La radio annonce près de 800.000 spectateurs attendus aujourd'hui. Je perd tout espoir d'assister au lancement, et m'imagine déjà au bord la route, à assister impuissant au la dispersion du panache de fumée de la navette.

H-1:
4 heures pour parcourir 66km! Mais je suis enfin a Titusville. Les bords de la route principale qui longe la rivière qui nous sépare du Kennedy Space Center sont bondés. Je décide de me garer dès que possible dans une rue adjacente, et de finir à pieds.

H-0'45:
Je trouve un endroit à l'ombre, désert, pile en face du pas de tir et m'installe. Je prends des photos pour m'assurer des bons réglages, arme mon lecteur mp3 pour enregistrer le son du décollage, supposé être très impressionnant.

H-0'30:
Panique à bord. La radio annonce qu'un roulement à bille vient d'être trouvé à bord. Si on ne trouve pas son origine d'ici 20 minutes, le lancement risque d'être interrompu. Cette pièce provient en fait d'une caméra, et le compte à rebours continue!

H-0'10:
La tension est palpable, tout le monde est debout, le doigt posé sur le déclencheur des appareils photos, l'oeil rivé sur les télescopes.

10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1:
0! Le spectacle est saisissant. Du fait de la distance qui nous sépare du pas de tir (17km), tout se déroule dans un silence religieux pendant une minute entière. Toutes les vidéos des précédents m'avaient habitué à un vacarme assourdissant, mais il n'en n'est rien. La navette prend alors son envol gracieusement, tel un ange silencieux. Seul le cliquetis des appareils photos qui mitraillent sans relâche et les cris de stupéfaction des spectateurs viennent perturber le silence.
Soudain, tel un orage qui approche, le grondement se fait sentir. Léger, d'abord, puis de plus en plus fort, et sur des fréquences de plus en plus basses. C'est tout le corps qui participe au spectacle. Les yeux suivent la trajectoire courbe de la navette qui après une minute vole déjà à 1600 km/h! Les oreilles enregistrent ce qui ressemble à un coup de tonnerre multiplié par 100. Le corps ressent les vibrations engendrés par les ondes de très basse fréquence produites lors du décollage.
Interlude: lors du décollage, la chaleur dégagé par les réacteurs incinère instantanément tout être vivant qui se trouve dans un rayon d'1km. Entre 1km et 1.2 km, c'est le son qui vous tue en réduisant votre cerveau et vos organes en bouillie!

En 2 minutes, la navette a déjà disparu, et le son commence à peine à s'estomper. Et puis le silence. La foule applaudit à tout rompre puis commence à se disperser.
Il faudra seulement 8 minutes à la navette Atlantis pour effectuer sa mise en orbite, à 380km d'altitude, à une vitesse orbitale de 28.000 km/h, soit 9 fois la vitesse d'un balle de pistolet, de quoi faire le tour de la terre en 90 minutes à peine.

Ci-dessous un montage de mes photos du lancement, des vidéos de la NASA, sur la musique d'Apollo 13. L'album sera en ligne dès demain.


Je reprends la route vers le Sud, direction Satellite Beach, où je retrouverai Cody et Joey, chez qui je passerai le reste du weekend. La suite demain...

1 comment:

  1. j'adore te lire Bro',
    on l'écrit qd ce livre?
    love u

    Sista

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