Wednesday, June 23, 2010

Ici et là-bas : le "communautarisme intégré" à la Canadienne

Le weekend dernier avait lieu à Toronto le festival "A Taste of Little Italy". College Street, l'artère principale du Little Italy torontois était entièrement fermée à la circulation, afin de célébrer la musique et l'art culinaire italiens. Les forains avaient installé leurs manèges sur les rails du tramway, les restaurateurs avaient agrandi leurs terrasses afin de nous faire déguster les saveurs de la cuisine italienne (tripes alla genovese, risotto al parmiggiano, moules, huîtres, perogi...), et les chorales traditionnelles s'étaient établies aux intersections, achevant ainsi le décor de l'Italie de carte postale qui nous plait tant. A la veille de l'été, le O Sole Mio de Claudio était de circonstance!

Au-delà de l'aspect festif, cet évènement a été l'occasion de voir à l'oeuvre le modèle d'intégration canadien, qui nous fait tant défaut sur le vieux continent. Alors que l'idée de quartiers communautaires ethniques (Little Italy, Chinatown, Little India, Greektown...) peut paraître en opposition avec l'idée d'intégration, on a pu se rendre compte pendant ces trois jours qu'il n'en est rien. Car à Toronto, ville d'immigration s'il en est (49% des Torontois sont nés en dehors du Canada), on a tous à un pieds ici et un pieds là-bas, et tout le monde accepte de faire le grand écart.

Le choeur Coro Italia (20 chanteurs, un accordéon et une mandoline) donnait trois soirs durant des chants traditionnels Italiens. En costume d'époque, ces chanteurs nous ont fait vivre le temps d'une chanson les rues pavées de Florence, les oeillades à la bellissima regazza, le soleil napolitain. Tous étaient drapés de rouge, vert et blanc. Pourtant sur les cravates des hommes et les châles des femmes trônait la feuille d'érable écarlate, symbole de cette terre d'accueil qu'est le Canada.

Les Canadiens sont la preuve que l'intégration est possible, et qu'elle n'est pas synonyme d'uniformisation. Au Canada, on ne prie pas dans la rue, car la Constitution dit que l'espace public est laïque (comme en France, soit dit en passant). Mais au Canada, on peut porter le niqab, car on a aussi le droit de s'habiller comme on le souhaite, tant que notre tenue est décente (en France aussi, non?). Au Canada, on écoute du raï et du banghra, et on se lève pendant l'hymne national, que l'on entonne avec respect et honneur. Au Canada, on salue la diversité comme un apport culturel, et non comme une menace de la culture dominante.

Et si le problème résidait dans la politique d'immigration "à bras ouverts" de la France? Notre pays a fait du droit de résidence une évidence, et cela ne rend service à personne. L'apport individuel de chaque immigrant à la France est noyé dans la masse, et n'aide pas à son intégration par les populations établies. En même temps, elle retire à l'acquisition de la nationalité sa valeur symbolique. Le Canada, plus restrictif, a fait de l'acquisition du droit de résidence un privilège. En pratiquant une immigration choisie,  le gouvernement canadien promeut la valeur ajoutée de son immigration auprès de sa population de souche, tant au point de vue culturel qu'économique. Au final, on arrive à un équilibre où chacun est conscient de la chance qu'il a d'accueillir et d'être accueilli.

Le Vieux Continent devrait prendre exemple sur sa petite soeur d'outre-atlantique, cette nation multiculturelle où Canadiens, Indiens, Chinois, Italiens, Grecs et Irlandais se côtoient, s'entraident, s'opposent et se complètent. Un pays où l'on chante Ô Canada en sari, où l'on mange du couscous en regardant le hockey, et où l'on savoure une poutine après la prière du vendredi (ou du samedi ou du dimanche).
Avoir un pied ici et un pied là-bas, ça assouplit drôlement.

2 comments:

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  2. Oups erreur technique, je reposte :

    Quand j'ai lu: "au Canada on peut écouter du raï", cela m'a fait penser à ce clip de Megret pendant la campagne présidentielle de 2002 :
    http://www.dailymotion.com/video/x1w484_megret

    On avait oublié ce grand moment de la vie politique française...

    Loubna

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